(Ayez le courage de lire jusqu’au bout, c’est un peu barré au début mais ça prends son sens avec le temps…)

Je suis  dans une Sphère où tout passe.

Le temps passe. Les minutes s’égrènent avec une infinie lenteur, c’est un point de vue. D’aucun dirait au contraire que les secondes filent à perdre la boule. Que les aiguilles s’affolent au point de ne plus être perceptibles par un œil non averti. A croire que le temps farceur joue des tours à qui lui prête un temps soit peu d’attention.

Les gens passent à pied, tantôt marchant tantôt galopant. Certains se dépêchent d’aller lentement, d’autres mollissent, ou feignent l’empressement.

Quelques uns ont un but, une idée précise de ce qui les attend au bout du chemin. Ils y a aussi ceux qui se font une image de l’arrivée sans en avoir vu jamais la couleur et sans en connaître les odeurs. Et puis il y a les habitués, pour qui l’errance est le lot quotidien, quelques minutes, quelques heures, fonction du temps, des activités fluctuantes des milliers de fourmis qui gravitent dans la Sphère.

Mais quand Il passe, Le Majestueux, pressés ou non, occasionnels ou habitués, tous se retrouvent avec un but commun et un moment à partager.

Non pas qu’ils soient amis, non, ce sont de parfaits inconnus, avec l’insouciance de circonstance dans la Sphère. L’indifférence, la désinvolture, la courtoisie et la bienséance dans les heures creuses. Laissant la voie libre au plus fragile, le coin le plus douillet à la femme attendant un heureux évènement, ou pour aucune raison, simplement tendre une main, invitant son voisin à le précéder, sans autre espoir qu’un sourire esquissé en retour.

Mais avec toute la rage de celui qui, à l’heure de la grande ruée, ne veut pas être en reste et qui ne veut pas rester seul et abandonné de tous sur le bord de la voie qui se trace à perte de vue.

Quand retenti le signal et que le sol se met à trembler, annonçant l’arrivée du Majestueux, les corps se dressent, les muscles se tendent, les bras se serrent autour des effets personnels. La crainte est visible sur les visages traduisant toute la peur de n’avoir pas sa place réservée auprès du Majestueux ou l’appréhension d’avoir oublié quelque chose d’important.

Et c’est enfin le moment. Il est là, plus grand, fort et plein de fougue que jamais. Plus impressionnant en vrai que toutes les images que l’on voit dans les livres.

Il choisi ses disciples. Seuls les braves procédant un précieux sésame pourront faire corps avec Lui.

Dans la mesure où j’ai moi-même un acte officiel, je ferai parie du voyage.  Mais les gardiens veillent et bien mal avisé est celui qui tenterait, de gré ou par étourderie, de berner le gardien. Il convient, pour que le Majestueux concède à partager avec vous un moment de son existence, de montrer patte aussi blanche que le bout de papier qui vous sera demandé.

Hélas, dans le langage commun, même s’il n’est pas des plus châtiés, on peut dire que j’ai merdé. Le passeport que je pensais incontestable s’est avéré être dans les faits, celui d’un autre Majestueux.

Oui, le Majestueux n’est pas seul en cette Sphère, il y en a de tous horizons et qui partent en toutes directions. Et il se trouve précisément que le Majestueux que j’ai abordé n’était pas lié à mon sésame. Le gardien intraitable me toise du regard. Il est furieux contre moi d’avoir ainsi osé souiller le Majestueux de ma présence inopportune.

Mon sésame était pourtant clairement établi pour le Majestueux de 19H15, pas celui de 18H57 dans lequel j’ai pénétré sans l’ombre d’un remord.

Il est maintenant trop tard pour les regrets, le Majestueux a quitté la Sphère et roule maintenant à la vitesse d’une Formule1 sur le chemin ferré, alimenté par des caténaires électriques à haute puissance.

La gare est maintenant bien loin derrière nous, et le Prince Métallique avale les kilomètres sans la moindre hésitation.

Le gardien à son bord tient mon sésame et me réclame le complément dû par faute d’être étourdie. Je me débats, je me défends, précisant qu’en toute bonne fois, un train est un train bordel à queue et piano de merde.

Le gardien n’est pas content mais alors pas content du tout. Son regard froid et imperturbable et la prononciation de la sanction me font fondre en larmes : « vous paierez un billet plein tarif mademoiselle et soyez bien heureuse que je ne vous compte pas un tarif fraude ». Me voici donc dépitée dans un premier temps et débitée dans un deuxième temps de la somme que le Majestueux aura fait quérir de la main de son sous fifre.

La mort dans l’âme je signe électroniquement le don gracieux que mon banquier effectuera en mon nom à la gouvernance des Majestueux. J’ai le cœur brisé de tant de gâchis. Le quart d’heure aura coûté mon amour propre, le budget de ma prochaine robe et un mascara qui fout le camp à grand renfort de gouttes lacrymales d’eau de mer des yeux.

Me ressaisissant je décide de retourner voir le gardien pour qu’il finisse d’enfoncer en mon sein, le couteau qu’il avait si doucement commencé à planter.

Je me ressaisis, sèche mes yeux, remets de l’ordre dans ma tignasse et fonce à travers les wagons. Je vais si vite qu’en regardant par la fenêtre, le paysage arrête de défiler, je fais du sur place dans le train en marche. Je vous rassure, je ne suis pas en train de courir à 350km/h, je suis dans un train de banlieue et il y a un ralentissement.

Mon apesanteur horizontale touche à son terme quand j’arrive au wagon de l’équipage et que j’aperçois le grand homme noir, qui ressemble trait pour trait à ce célèbre acteur américain d’un âge certain.

Il me regarde m’approcher avec l’air dépité de celui qui sait déjà ce que je vais lui réclamer. Il vient à ma rencontre et m’intime de le suivre à la sortie du wagon.

Je tente de lui expliquer une nouvelle fois que je ne suis pas une fraudeuse et qu’à un quart d’heure près, je me fichais de prendre un train ou un autre. Au lieu de cela, le son qui sort de ma gorge s’apparente à un « Mouuuiiiiiick » et les vannes situées à cheval entre mes yeux et mon nez s’ouvrent, laissant jaillir, de mon tarin et des deux billes bleues ciel, un long et incessant filet d’eau.

Il faudrait que j’analyse, un jour, comment il se fait que ces vannes soient si facilement trafiquables et que mon cerveau en perde toute forme de contrôle aussi fréquemment.

Quoiqu’il en soit… Ah oui, et il faudrait aussi que je découvre par quelle folie de la nature, plus le chagrin est gros plus l’envie est pressante d’aller aux petits coins. Le proverbe ne dit-il pas « Pleure tu pisseras moins » ? Faut-il que, pour être efficace, le dicton soit nécessairement précédé ou suivi d’une gifle ?

Dans le cas présent, je viens de prendre ma claque, je devrais pouvoir me retenir…

Mais non ! C’est plus fort que moi, il faut que le trop plein de liquide s’évacue, alors je chiale comme une madeleine pour éviter la catastrophe.

Le contrôleur est dubitatif, puis troublé, puis ému… Il est perdu dans ses sentiments et veut me refaire un topo sur le bien fondé de l’ablation qu’il a réalisé à cœur ouvert sur mon compte en banque. Je me lance quant à moi dans une explication à cœur perdu sur la bonne conscience et la droiture.

Finalement, il a dû décider que le meilleur moyen d’empêcher un bambin de chialer, c’est encore de lui remettre la tétine à la bouche, car c’est ce qu’il a fait.

Non, il n’a rien mis dans ma bouche ! Il a rebouché le trou qu’il venait de faire, dans mon orgueil et dans mon porte monnaie en rebitant ma carte bleue de la somme qu’il avait débitée une heure avant.

Comme j’ai toujours aimé les happy end, qu’il avait l’allure d’un héro noir américain et que pour tous les films qui finissent bien, j’ai toujours rêvé de pouvoir crever l’écran pour serrer le gentil dans mes bras, et bien c’est ce que j’ai fait.

 J’ai serré le gentil dans mes bras.

Et bien vous savez quoi ? Ça fait du bien !

5 réflexions sur “J’ai la sphère qui éclate…

  1. une honte ! C’est une honte! je pense que la gente masculine sera profondément choquée par cet article.
    qui n’a pas eu la même mésaventure! et nous pauvres hommes n’avons jamais été remboursés.
    notre narratrice étant fort jolie, s’est comme elle dit, ressaisie….
    La femme comme d’habitude usant , outrageusement, de ses charmes ne sera pas sanctionnée.

    J’ai une amie qui, au volant de sa voiture, a grillé un stop, tout en téléphonant , sous le nez de la police. lors de son interpellation , ils s’aperçurent en plus qu’elle avait omis d’attacher sa ceinture.
    Qu’arriva -t-il?
    rien!! Usant des mêmes artifices ,charme, larmes….elle repartit sans aucun procès-verbal
    je vous laisse imaginer le même scénario si cela avait été l’un de vous messieurs.

    qu’en est-il de l’égalité des sexes ? je vous le demande !!

    ;

  2. Ahhhh, ça fait du bien !! Enfinnnn pas de faire pipi mais de lire un super bon article du poisson et surtout quand on est en vacances !!!

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